“Pour le plaisir d’écrire…” Masterclass Olivier Ducastel & Jacques Martineau

September 24, 2019

En ce jeudi 19 septembre, la scène de l’auditorium de la Maison des auteurs devient le théâtre d’un show retentissant, mené tambour battant par Alban Ravassard et Remi Grelow. Pour l’occasion, les présidents respectifs de Séquences 7 et Backstory L’Association, modèrent une rencontre commune, celle de Jacques Martineau et Olivier Ducastel.

Avant un apéro offert par Séquences 7, le binôme a partagé avec le public venu en nombre son expérience, à travers ses différents films – Jeanne et le garçon formidable ; Crustacés et coquillages ; Théo et Hugo dans le même bateau ; Hauts perchés ; etc. Une vision particulière du cinéma et de l’écriture, une complicité palpable : tous les ingrédients réunis pour une rencontre réussie, détendue et ponctuée de fous rires !

La méthode Jacques & Olivier

« Pour chaque scénario, on invente une méthode différente », résume Olivier Ducastel. A chaque film, le binôme conçoit une façon de travailler et de collaborer. La seule invariable : c’est Jacques qui écrit. Il y a bien sûr un système d’échange et de discussions. Olivier propose une idée, Jacques rebondit, ou inversement.

L’écriture ne peut commencer sans qu’ils aient une idée bien précise du film à venir. « Tant qu’on n’a pas trouvé la forme, on n’arrive pas à passer à l’acte ». C’est donc pas le formalisme que naissent leurs films, qu’ils font surgir de longues conversations. Forme qui parfois devient une exigence à laquelle se tenir, comme c’est le cas dans Ma vraie vie à Rouen, pour lequel ils ont eu « une posture d’hyperdogme, encore plus exigeant que le dogme de Lars Von Trier… »

L’écriture et la transe

« Jacques peut avoir une transe dans l’écriture – ritualisée en termes d’horaires et d’estomac. Plutôt en fin de matinée, au lit. Tout en sachant que le temps de l’écriture laisse place au temps du déjeuner », nous conte, non sans sourire, Olivier Ducastel. Une énergie de création, donc, qui s’empare de l’auteur pour lui faire développer son scénario. « C’est dans le plaisir d’écrire que les choses existent », explique Jacques Martineau. Une écriture qu’il laisse filé librement, avant de revenir dessus pour retravailler.

Ainsi, Jacques n’a pas forcément d’image préconçue sur ses personnages. « Bien sûr, il faut avoir une petite idée, mais je préfère les laisser se créer sous mes doigts ». Une méthode bien à lui, reposant davantage sur le lâcher prise que dans un contrôle absolu de son scénario.                                           

Et ensuite ?

« J’ai la chance d’être le premier lecteur », confie Olivier. « Sur Crustacés et Coquillages, Jacques me lisait des scènes presque tous les jours. Si je ne riais pas tout de suite, c’était le drame. » Jacques Martineau admet volontiers ne pas aimer les retours, surtout lorsqu’ils concernent quelque chose qu’il a « fait semblant de ne pas voir ».   Pense-t-il aux retours en écrivant ? Parfois oui. Et la paralysie peut alors pointer le bout de son nez, lorsqu’il spécule par avance sur les critiques des chaînes de télévision et des financeurs. « Pour Hauts Perchés, j’ai senti monter le blocage, alors j’ai tout lâché, en contrevenant à tout ».


L’enseignement du scénario en France

Jacques Martineau dirige le Master Scénario et écritures audiovisuelles de Nanterre. Olivier Ducastel est responsable du département Réalisation à la Fémis. Si l’un comme l’autre conçoivent les différences qu’il y a entre leurs deux formations, leur enseignement repose sur la même pédagogie : la parole. Débattre, discuter, pour mieux permettre l’émergence d’un récit.      

C’est ainsi que Jacques conçoit ses ateliers en Master ; et c’est ainsi qu’Olivier accompagne les étudiants de la Fémis. « La parole est un substitut à l’écriture », résument-ils. Alors que la pédagogie anglo-saxonne monte en puissance dans les formations françaises, que l’écriture se composerait comme une recette de cuisine, Jacques et Olivier prônent une vision totalement différente. « Il faut remettre le mentorat et le partage d’expérience au centre de la transmission et de l’enseignement, davantage que les règles dramatiques. »

Une belle leçon de transmission, c’est d’ailleurs ainsi que pourrait se résumer la rencontre offerte  au public par le duo ce jeudi soir.  

Vincent Feldman

Photographie Stéphane Rives